Le rempart contre l’oubli, sur
Internet
1914 >> 1918 >> 1945 >> 2009
Sélection
de textes
Ce texte nous est gracieusement prêté par Philippe qui a retranscrit le texte d’origine avec un respect intégral, Une belle initiative, et un beau travail de mémoire. Merci ! Ce texte est issu des carnets de Marcel ERNIS, qui traversera toute la Grande Guerre, incorporé successivement au 71ème RI, 2ème RI puis au 8ème Génie. Nous sommes en mai1918, au début de la deuxième bataille de la Marne. - o O o
- 27 mai : Notre repos est abrégé. Nous allons
nous embarquer à Longueville où nous prenons le chemin de fer
pour débarquer à Château-Thierry. De là, je pars
en bicyclette jusqu'à Jaulgonne qui se
trouve à 15 km. Une fois arrivé dans ce pays, nous apprenons que
les boches nous ont enfoncés devant Fismes et que nos troupes battent
en retraite. 28 mai : À 4 heures du matin, nous partons vers
l'avant jusqu'à Fère-en-Tardenois. Une fois arrivés, la
division était déjà en ligne, mais il nous fallut
reculer sous la poussée boche, nous descendons jusqu'au Charmel où commence le pillage par les troupes
françaises. Cela est bien triste pour les civils qui quittent leur
demeure, emmenant leurs bestiaux. Le soir, nous reculons jusqu'à Jaulgonne où nous passons la nuit. Les boches
avancent toujours. 29 mai : À la pointe du jour, tout le monde est sur
pied car personne ne tient à rester aux mains des boches. De suite,
nous nous précipitons dans les habitations où nous trouvons des
vivres, du bon vin ce qui nous remet les idées en place. Vers 10
heures, un Fokker vient survoler le pays et mitraille les routes
encombrées de troupes. Aussi,
un de nos chasseurs veillait et l'ayant pris en chasse, ils rasèrent
les toits, et le fritz fut touché par une balle en plein moteur, il
réussit à atterrir. À 11 heures, l'on entendit le
grondement des canons boches qui tiraient sur la Marne, alors, pris de
panique tout le monde se sauva dans la direction du pont suspendu, le seul
existant pour le passage des troupes de la division. Avec notre camionnette,
nous réussîmes à nous frayer un passage à travers
la cavalerie, l'artillerie et l'infanterie, nous passâmes le pont,
salués par un feu de mitrailleuses. Sur la droite, dans la gare de
Verneuil, les boches ont incendié un train remplit de bidons
d'essence, ce qui produit une fumée et des flammes qui commencent
à lécher les murs du village. Il y avait environ cinq minutes
que nous venions de passer le pont suspendu de Jaulgonne
que le 6ème Génie le fit sauter. Ordre qui fut mal
interprété et nous valut la perte d'un bataillon du 2ème
d'Infanterie qui fut prisonnier. Sur la rive sud de la Marne, nous coupons
les lignes et nous repartons vers l’arrière pour prendre
position car nous venons de recevoir l'ordre de ne plus reculer, la Marne
étant la seule limite nous séparant des boches. À
Crézancy, nous nous ravitaillons et mettons à sac la cave du
Grand hôtel. Comme par hasard, un obus tombe dans la rue, ce qui nous
rappelle à la
réalité et nous fait rentrer à l'abri. En fin de
journée, nous construisons une ligne de Crézancy à la
ferme Janvier où nous arrivons à 10 heures 30 mai : Après une bonne nuit, nous reconstruisons de
nouvelles lignes pour organiser ce secteur car l'avance des boches est
terminée. 31 mai : Le soir, nous relions la division de cavalerie qui
se trouve à notre droite, rentrant à minuit, nous sommes bien
content de nous reposer. 1er juin : Je quitte la ferme Janvier pour aller à Celles-lès-Condé où se trouve le
détachement. 2 et 3 juin : Journées assez calmes, constructions dans le
village, liaisons des services de la D.I. 5 juin : De Celles-les-Condé,
je monte en secteur à la ferme Janvier à l ' I.D 20. 15 juin : Dans ce petit coin, nous y sommes très bien
logés dans la ferme, nous avons installé une tonnelle dans le
bois. De temps à autre, les boches donnent de leurs nouvelles en nous
envoyant des " maous ", des obus de gros calibre. 27 juin : Je quitte l’I.D 20
pour retourner à Celles, d'où nous partons le soir en
camionnette pour aller jusqu'à Artonges,
nord de Montmirail. 29 juin : Embarquement en camions pour aller au grand repos
à Dammartin-en-Goële, 30 km nord de Paris. Pour y arriver, nous
sommes passés par la Ferté-sous-Jouarre
et Meaux. 30 juin : Jolie petite ville. D’où nous sommes
cantonnés, l'on aperçoit la tour Eiffel et impossible de se
sauver, ce qui nous donne le cafard de ne pouvoir sauter jusqu'à
Paname où le bonheur m'appelle. 1er juillet : Je vais à Saint-Mard,
détaché au 25ème d'Infanterie comme
réparateur. 6 juillet : Je reviens à Dammartin
et le soir, nous embarquons en camions passant par Meaux, Coulommiers et
Montmirail, nous arrivons à Orbais-l'Abbaye,
15 km de cette dernière ville. Coquette petite ville où nous
sommes venus en réserve de Corps, car l'on s'attend à une
grande attaque des boches. 10 juillet : À 8 heures, nous sommes alertés, nous
nous rendons dans le parc du château de Compigny
où se trouvent l' E.M et la D.I. 11 juillet : Après avoir passé une nuit à la
belle étoile, nous revenons à Orbais. - o O o
- 14 juillet : Dans la journée, nous avons fêté
le retour des permissionnaires et à l'occasion de la fête
nationale, nous avons vidé quelques bouteilles. A minuit, nous sommes
réveillés par un fort roulement de canon comme jamais nous n'en
avions entendu. Sur le pays, il tombe des 105 qui arrivent très
rapidement. Des cris dans la nuit, les civils s'enfuient dans toutes les
directions, vu le danger. Immédiatement, nous retournons au
château de Compigny. 15 juillet : À 2 h du matin, ce n'est qu'un enfer, l'on
croirait que le ciel est en feu. Tout rouge, lueur sinistre qui nous effraie
un moment, mais dont nous comprenons la raison, les boches ont attaqué
et passent la Marne. Est-ce une nouvelle retraite ? Il est à souhaiter
que non, et que nos divisions
réussiront à les arrêter. En pleine nuit, nous partons en
construction de lignes pour relier le château à un poste
installé provisoirement sur la route de Montmirail et
remplaçant la poste civile d'Orbais. A
l'entrée de ce village où nous sommes bien forcés de
passer, nous sommes salués par une rafale de deux obus qui tombent
à moins de 100 mètres. Vite, nous nous précipitons
où venait de passer ces zins-zins, la terre
projetée en l'air nous retombe dessus ; Voulant courir, nous nous
enchevêtrons dans les lignes télégraphiques
coupées par les éclats et retombées dans la rue, encore
une petite émotion. Après une autre rafale, nous arrivons enfin
à un carrefour où nous devons installer un poste. Je pars avec
quelques camarades et, à travers champs, nous déroulons nos
câbles. Toute la journée, nous reconstruisons le réseau
d'Orbais en passant aux alentours du pays.
L'après-midi, je fais un bond jusqu'à Orbais,
passant entre deux rafales, j'arrive enfin au cantonnement. Aussi quelles
émotions, j'ai éprouvé en traversant ce pays, personne
dans les rues, tout le monde s'est sauvé, par
endroits quelques cadavres, des arbres fauchés, des maisons
éventrées, quel changement en quelques heures. Hier
c'était la joie, aujourd’hui la mort a passé sur ce pays.
Le soir, vers 6 heures, c'est enfin arrêté. Le bombardement a
duré 15 h à raison d'un obus toutes les deux minutes. 16 juillet : À 3 h du matin, je monte en secteur à l' I.D 20
qui se trouve à la Grange Gaucher, sud-ouest d'Igny-le-Jard.
A midi, attaque de la division qui obtient quelques succès. Le soir,
je reviens à Compigny où nous
couchons dans les bois sous la toile de tente. 18 juillet : Je reviens à Orbais. 19 juillet : Nous relevons tout le câble qui traîne
dans les rues. 20 juillet : Nous quittons ce pays pour aller plus à
droite à la division à Saint-Martin-d'Abloy.
Je suis détaché à l' I.D et la rejoins à la ferme
d'Enghien, qui se trouve au milieu des bois. 22 juillet : Nous quittons cette ferme pour remonter plus au
nord, car les boches reculent. Nous allons à la maison du Garde,
petite maison de rendez-vous pour chasseurs, qui se trouve à
l'orée du bois. 27 juillet : Vers 10 h du matin, nous repartons pour aller
à Port-à-Binson, qui se trouve sur le
bord de Marne, on voit que les boches sont passés par-là, car
ils ont fait bien des ravages. Près de la Marne, le Génie
prépare des tonneaux, pour faire de nouvelles passerelles. Nous
traversons la Marne large à cet endroit de 80 mètres. Une
légère passerelle de fortune ayant servi à l'infanterie,
nous l'employâmes pour passer sur l'autre rive et dérouler nos
fils, car nous construisons une ligne qui doit relier le pays que nous
venions de quitter à Vandières, qui
se trouve un peu vers la gauche.
L' E.M. s'installe au château et nous couchons dans les caves. 28 juillet : Construction de ligne de l'I.D.
jusqu'à la tour d'Anthenay où se
trouve le colonel du 25ème d'Infanterie. En arrivant sur
les crêtes, nous sommes salués par les feux des mitrailleuses
boches qui se trouvent à environ 300 mètres. Quelques
"valdingues" plat-ventre et nous arrivons
à la tour pour êtres salués par une rafale de 88 de
marine. Dans l'après-midi, ils nous font sortir pour aller
réparer notre ligne qui a été coupée, aussi les
boches nous poursuivent à coups de 77, nous en sommes quittes pour
attraper quelques suées. Le soir, nous quittons la tour pour revenir
à l'I.D. 31 juillet : Je suis relevé de l'I.D.
pour retourner au détachement. 1er août : Journée de repos bien méritée. 2 août : Dans la nuit, les boches ont attaqué la
division et ensuite se sont sauvés, ce qui leur permit de battre en
retraite plus facilement. Nous construisons des lignes de Vandières
à Olizy et Berthenay.
Le soir, retour au détachement. 3 août : Nous repartons pour aller jusqu'à Lagery où nous arrivons quelques heures
après les boches, qui ont détruit tout sur leur passage,
incendié les maisons et amorcé quantité d'obus. 4 août : Nous installons un central, car maintenant les
boches sont retranchés sur la Vesle et certainement, ils
résisteront. 7 août : De temps à autre, les boches marmitent les
carrefours des routes conduisant aux lignes. 9 août : Cette nuit, des avions sont venus lancer des bombes
et mitrailler les routes. 10 août : La nuit dernière, ils ont encore marmité
le pays et pour plus de sécurité, nous sommes allés
coucher dans un boyau au milieu de la plaine. 25 août : Nous quittons Lagery pour
aller au repos à Igny-le-Jard. 30 août : Je pars en perme de 10 jours. Je vais m'embarquer
à Dormans ; pays bien détruit. - Dormans,
août 1918, tel que l’a traversé Marcel ERNIS - - o O o
- Si ce récit vous a accroché, nous vous
proposons d’aller lire celui qu’a posté Daneck sur son blog. http://daneck.blogspot.com/2007/09/gast … ns-la.html Ce n’est pas une
retranscription, mais le résumé du parcours d’un autre
poilu, Gaston COURTY, du 136e RI. Un texte bien écrit
qui devrait, lui aussi, vous accrocher.
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