Mémorial Dormans

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Sélection de textes

 

Zone de Texte: LE CAPITAINE JAMES PICOT
MORT POUR LA FRANCE LE 15 JUILLET 1918

 

 

 

Ce témoignage est paru en 1973 dans « l’Almanach du combattant » (auteur Léon Clerc).

Le capitaine James Picot, du 10e RAC est tombé près d’Igny-le-Jard, dès le début de la 2e bataille de la Marne.

 

 

IN MEMORIAM

 

 

 

« J'aurais voulu, avant de mourir, embrasser tous les canonniers de ma batterie. »

 

 

Tel fut le souhait recueilli par notre camarade Émile Guyard, brancardier de la 8e batterie, aumônier du 3e groupe, le l5 juillet 1918, alors qu'il portait secours à son commandant de batterie grièvement blessé.

Dès le 9 juillet, le 10e R.A.C. avait reçu l'ordre de prendre position sur le front Igny-Comblizy, région de Dormans, avec la double mission de soutenir la 51e D.I. chargée d'interdire le passage de la Marne et d'appuyer les fantassins de notre division, la 20e D.I., une batterie de chaque groupe étant en position avancée dans les fils de fer des points de résistance.

Le 15 juillet, à partir de 0 h 15, les combats atteignirent au paroxysme, les tirs de l'artillerie allemande s'exerçant plus particulièrement sur nos pièces avancées, anéantissant leur personnel, comme le relate l'historique du régiment en mentionnant cette citation, à l'ordre de la Division, de la 3e pièce de la 2e batterie :

« A assuré sans interruption le barrage à vue sur l'ennemi, sous un tir violent et précis d'obus explosifs et toxiques qui tua successivement trois chefs de pièce et blessa grièvement cinq servants sur six. »

Ce jour là, je capitaine Picot, commandant provisoirement le 3e groupe, partageait le P.C. du colonel Bühler, commandant le 47e RI, installé à la ferme du Hallais, au sud d’Igny-le-Jard, oeuvrant à réorganiser ses liaisons durement éprouvées, à choisir de nouveaux emplacements de batterie en arrière de la deuxième position, à remettre en ordre les éléments de la 51e D.I. ayant pu sauver leurs canons et se repliant sous la poussée allemande.

Cette ferme, située en terrain découvert, avait attiré 1’attention des observateurs ennemis ; après un bref réglage, vers 18 heures, une salve de 77 tomba en plein sur le poste de commandement.

Le tir d'efficacité ayant suivi, plusieurs hommes furent tués. Parmi les blessés, on releva le colonel Bühler et le capitaine Picot.

Transporté au poste de secours, le capitaine, se sachant mortellement atteint, montra l’ardent esprit de sacrifice que lui connurent tous ceux qui l’approchèrent.

Au médecin-chef du 47e R.I., il dit :

« J’ai fait mon possible, bien peu de choses, hélas ! pour mon Pays ; nous avions pourtant bien préparé ce qu’il fallait pour briser l’attaque allemande : la Providence ne m’a pas permis de le faire, d’autres le feront. J’espère que mon sacrifice ne sera pas inutile, qu’il hâtera le jour de cette victoire que je ne verrai pas, mais qu’importe ! Vous direz aux miens que je meurs pour la France en pensant à eux. »

Au colonel de Bourgues, qui lui avait annoncé la mort de ce valeureux officier, 1’affiction des canonniers et des gradés, sa courageuse compagne répondra :

« Il est tombé à l'aube de la victoire qu’il appelait de tous ses vœux, a laquelle il travaillait de toutes ses forces ; puisse mon sacrifice uni au sien et aux milliers si généreusement consentis, faire une grande France, dans 1a victoire et dans la paix. »

Son père, Émile Picot, de l’Institut, écrira à notre colonel :

« J’ai encore trois fils sous les drapeaux, mon malheur ne m’empêchera pas de crier, avec eux : Vive la France ! »

L’Étoile des Braves, avec rosette, suprême récompense posthume couronnant de nombreuses citations, dont trois à l'ordre de l'Armée, ayant été remise, au printemps 1919, aux Invalides, par le général Pillot, à l'aîné de ses jeunes enfants, la maman, remerciant notre colonel, ajoutera :

« La paix victorieuse est signée, puisse-t-elle être digne de tous les sacrifices de nos glorieux morts. Puisse la France devenir, telle qu'ils l'ont rêvée, libre, belle, prospère, dans l'ordre et le travail. »

Cette noblesse de sentiments ravivera chez les chefs de section, survivants, formés par le capitaine Picot, le souvenir de sa bonté.

Quand sa haute silhouette se penchait sur les planchettes et les plans directeurs où nous relevions les coordonnées avant de commander les tirs, l'infinie douceur avec laquelle il nous faisait ses remarques, nous donnait l'impression d'entendre de paternels conseils, alors que nous pataugions, dans la neige, sur les Hauts-de-Meuse, à quelques centaines de mètres de l'ennemi sur qui nous exercions notre fraîche instruction.

Vous tous, anciens de la 8e, qu'il eût voulu revoir, remercier, embrasser, avant de succomber à ses blessures, je vous associe à l'hommage rendu à l'exemplaire commandant de batterie qui avait fait siens les préceptes d'Ernest Psichari : 

« J'ai attesté ce à quoi j’ai cru, par mes paroles et par ma mort. »

 

Léon Clerc

 

 

 

 

 

 

 

 

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