Les deux batailles de la Marne
Dernière mise à jour le 31/01/2011
3 / 4 : La seconde bataille
de la Marne, à l’échelle nationale Printemps 1918 : Pour les
allemands, il faut aller vite ! Entrés
en guerre le 6 avril 1917, les États-Unis déploient de plus en plus leurs
troupes opérationnelles, en ce début d'année 1918). Du côté ennemi, le traité
de paix de Brest-litovsk (3 mars 1918) vient de libérer les troupes du front
Est. Rapidement, les allemands rapatrient celles-ci vers la France, s'ils
veulent vaincre, il faut le faire vite. Au
printemps, Ludendorff décide de lancer assaut sur assaut sur le territoire
français grâce à ces troupes maintenant très supérieures en nombre (900.000
hommes, dans 205 divisions, dont 50 ramenées du front oriental. Face à eux,
les forces alliées opposent 160 divisions). Il
organise alors quatre offensives qu’il espère décisives, avant l'arrivée
effective de ces troupes alliées sur les fronts. La
première est connue comme l' "offensive Michael",
le 21 mars, près d'Amiens), bousculant et éprouvant durement nos troupes,
mais les troupes alliées résistent. Du
côté allié, les grandes décisions ne sont pas simples. Pershing, commandant
en chef, a ordre de conserver cette autorité sur ces troupes. Devant cette
situation, Georges Clémenceau réussit à obtenir le 26 mars 1918 une décision
difficile de la part de toutes les forces alliées : l’acceptation
d’un commandement unique. Celui-ci sera confié au Général Foch. Une
décision qui intervient quelques jours après le traité de paix germano-russe,
mais peut-être d’une importance aussi grande pour la suite du conflit. Le
9 avril, les allemands lancent une seconde offensive en Flandres.
Cette fois, ce sont les britanniques qui essuient l'assaut … et le contient. C'est
à cette période que se situe le premier
combat de chars, comme le confirme cette traduction d'un article paru sur
le site CWGC (Commonwealth War Graves Commission, merci Alain D. pour la
traduction (sources) : Lors
de l'attaque de Villers-bretonneux, (24/4/1918), treize A7V furent utilisés
en 3 progressions séparées : le groupe I (3 tanks) avance à 05h30 au nord de
la voie ferrée, directement vers la ville ; le Groupe II (six tanks)
progresse au sud de la voie ferrée, entre la ville et le village de Cachy ;
le groupe III (4 tanks) avance vers Cachy. Le
premier engagement tanks contre tanks de l'histoire a eu lieu peu après 9h30
entre 3 tanks du 1er Bataillon Britannique de tanks (un "male" armé
de 2 canons de 6-pdr et 2 "female" armés seulement de
mitrailleuses) et 3 tanks allemands du groupe d'attaque N°2 .... Un tank
ennemi (du Groupe II) est apparu et a détruit immédiatement les tanks female
pendant que le tank male était touché par le feu de l'artillerie. Le tank
male, bien que l'un de ses canons ait été mis hors service par un obus, a
réussi un coup au but et les allemands ont immédiatement abandonné leur
engin. Deux autres tanks ennemis sont apparus et furent pris à partie;
l'équipage de l'un des 2 a abandonné le tank en courant, le second a tenté de
s'approcher de Cachy mais a été soumis au feu serré du 58è bataillon de
mitrailleuses ; l'équipage, mis hors d'état par les éclats de projectiles, s'est
rendu. (Opérations
Militaires France et Belgique, 1918 Volume II, par le Brigadier-Général
Sir James E Edmonds, Londres, Macmillan, 1937, p392). À
noter enfin qu'un récit du côté allemand (Dominique Richert, "Cahiers
d'un survivant", Éd. "la nuée bleue", Merci à David L.) donne
un bilan différent : 3 chars britanniques hors de combat puis le char
allemand retourne vers l'arrière. Ajout
31/01/2010 : une batille de chars précédente aurait eu lieu à cambrai le 20
novembre 1917. À approfondir … (source: http://www.villedecambrai.com/decouverte/historique/la-bataille-de-cambrai.html). L’offensive
Blücher, est la troisième.
Déclenchée le 27 mai 1918 vers le Chemin des Dames, c'est un remarquable
succès pour la VIIème armée germanique (et pour la Ière,
plus à l’est, au-dessus de Reims) qui submerge nos 5ème et 6ème
armées, notamment le 9ème corps d’armée britannique. La
victoire rapide des armées allemandes s'explique essentiellement par la
surprise, qui permet à Ludendorff de prendre en une seule journée le plateau
et de poursuivre l'avancée de ses troupes jusqu'à Fismes, Soissons et
Fère-en-Tardenois. Ces villes sont entre leurs mains le 29 mai, puis
Jaulgonne, Dormans et Château-Thierry, le lendemain, à moins de 100 km de
Paris. Dans ce secteur, à Chaudun, a lieu le 31 mai le premier engagement de chars Renault FT, avec le 201ème
régiment d'artillerie d'assaut. Ces chars légers rapides venaient appuyer le
travail des Saint-Chamond qui, en raison de leur lourdeur, avaient subi
quelques revers, notamment lors de l’offensive Nivelle d’avril 1917. On peut dire que dès cette période, la
construction en grande série de ces petits engins a profondément modifié les
tactiques militaires. Juin 1918 : Pour les deux camps, la "poche de
Château" est la clé ! Début
juin, les combats arrivent dans les faubourgs de Reims et s'y arrêtent. Les
troupes coloniales gardent la ville avec héroïsme. Du côté de la population,
c’est à nouveau l’exode. Pour
les allemands, l’objectif est double : ·
D’une part,
prendre Reims en tenailles, par le nord-est et le nord-ouest, afin de mettre
les troupes alliées en difficulté vers la Meuse et de préparer une offensive
sur Paris. ·
D’autre part,
il faut à tout prix franchir la Marne, et le front en cet endroit présente un
renflement, la "poche de Château-Thierry", où les divisions de
Ludendorff sont en situation précaire. La Marne franchie, c’est le front qui
sera coupé et la porte vers Paris qui s’ouvrira. Pour
les militaires français, malgré l’avancée, cette opération ne s'explique pas
très bien puisqu'elle ne peut aboutir à aucun résultat d'envergure. Une
opinion que ne partagent nullement les parlementaires français, suscitant une
vive agitation politique, certes sans conséquence, mais aussi une inquiétude
justifiée. Pour
les généraux Pétain et Foch, cette relative stabilisation permet de préparer
l’action future qui comprend deux parties intimement liées : l'une
défensive, et l'autre offensive. Sur
le front, c'est le statuquo à partir du 6 juin (cela durera jusque début
juillet). Le
mois de juin est alors une succession de combats sans résultat vraiment
définitif. La quatrième offensive débute le 9 juin
sur le Matz, de moindre envergure. Elle aussi sera contenue. Cette
période voit quelques succès alliés : vers Château-Thierry, le bois
Belleau, Vaux et la cote 204 sont libérés sous les assauts de la 2ème
DIUS et des Marines. Avec
déjà un lourd tribut. La 2ème Division US, qui avait
engagé là 17000 hommes, termine le 1er juillet de reprendre le bois Belleau,
laissant au sol 9000 soldats (morts ou blessés). Lourd
tribut, oui, mais la progression des troupes ennemies s’arrêtera là ! En
direction de Reims, l’ennemi est arrêté à Bligny et à Vrigny (la cote 240)
par les marsouins de la 2ème DI coloniale et les italiens du
Général Albricci (2ème CA). Au
milieu de ce vaste théâtre d’opérations, la Forêt de Ris se présente comme un lieu d’une importance capitale.
Sur cette étendue au Nord et à l’ouest de Dormans, les allemands stockent
depuis plusieurs semaines un matériel considérable. Juillet : Une terrible partie d’échecs Début
juillet, les services de renseignements alliés pensent que Ludendorff se
prépare à lancer son offensive (la Friedensturm, l’assaut pour la paix !) le 10 juillet,
mais il semble aussi que les préparatifs prennent du retard. La capture d’un
officier début juillet confirme toutefois que Dormans et ses environs seront
le point de passage de la Marne, où du matériel serait caché dans les bois de
la rive Nord pour passer la rivière. Ce
coup de force est sensé se développer de "la Main de Massiges"
(ouest de l’Argonne) à Château-Thierry, soit un front de 100 kilomètres. Pour
ce faire, le Kronprinz (le prince héritier, fils de Guillaume II) dispose de
deux armées : la IIIème (von Einem), positionnée de la vallée de
l'Aire (Argonne) à Suippes, avec huit divisions, et la Ière (von
Below) de Suippes à Jaulgonne, avec onze divisions. En réalité, l’avancée de la VIIème
armée impériale (von Boehn) n’était pas prévue être si rapide et Ludendorff
dispose de ce renfort supplémentaire de Vrigny à Jaulgonne). Mais
surtout, en arrière de ce front, ce sont 50 autres divisions qui sont prêtes
à intervenir en peu de temps. De
nouveaux renseignements annoncent que ce front présentera une poche passive
de 20 kilomètres autour de Reims, du fort de la Pompelle, à l’est à Vrigny, à
l’ouest. Et surtout, que les allemands n’attaqueront pas simultanément sur la
Somme. Fort
de ces informations, Pétain en profite pour parfaire les dispositifs défensif
et offensif. Il
fait tout d’abord redescendre 15 divisions du Nord et ainsi dispose de 44
divisions pour assurer la défense ! C’est inférieur en nombre, mais le
travail des espions et la stratégie qui en découle feront la
différence ! La tactique adoptée ne l’est sans
doute pas de gaîté de cœur : il s’agit de vider partiellement les
première lignes. Ceux qui resteront en avant-ligne permettront de renseigner
sur l’avance des troupes ennemies et de déstructurer cette offensive tandis
que le gros des troupes sera ramené deux ou trois kilomètres en arrière. Tous savent que peu de ces hommes
placés en première ligne reviendront. 17
autres divisions seront prêtes à l’offensive "Mangin-Degoutte", le
moment venu. Là
réside la clé du retournement qu’espère Foch : La
6ème armée du Général Degoutte participera à l'offensive sur
l’ouest du front, en appui de la 10ème armée de Mangin. Le Général
Fayolle coordonnera les actions des deux armées. L’objectif est hautement
stratégique : la Couper la route de Soissons à Château-Thierry, qui est
l'itinéraire d'approvisionnement des allemands. Le
reste de la contre-offensive ne sera qu’une vaste manœuvre d’appui de cette
offensive ouest, destinée à mobiliser les allemands sur tout le front :
La 4ème armée de Gouraud (à l'est) et la 5ème armée de
Berthelot (à l'ouest et au nord de la Marne) encadreront la ville de Reims. En
outre, cinq divisions d'infanterie et le 1er corps de cavalerie
sont regroupés (la 9ème armée) au sud d'Épernay avec le
Général de Mitry qui pourra en prendre le commandement, le cas échéant. C’est
le Général Maistre qui coordonnera l’action des généraux Gouraud, Berthelot
et de Mitry. Le
14 juillet, le plan de l’offensive française est totalement opérationnel. La
plus formidable bataille de cette guerre est en train de se mettre en place. Formidable préparation stratégique
mais aussi humaine : aussi incroyable que cela puisse paraître, 60 à 70
divisions de chaque côté, cela représente plus de 2 millions d’hommes sur un
front de 100 kilomètres ! 15 Juillet : L’offensive allemande Les
Allemands attaquent le 15 juillet, à 0h00. La
veille au soir, une patrouille allemande a été capturée dans la région de
Moronvilliers, et a dévoilé le déclenchement de l’attaque allemande pour le
lendemain. Et c’est à minuit que plus de 2000 batteries allemandes, soit 8000
canons, avec obus toxiques dont la redoutable ypérite, pilonnent les positions
françaises. La surprise n’est pas tant dans l’horaire que dans la puissance
du feu. C’est
une débauche de munitions de l’Aisne jusqu’à Châlons, et sur Paris aussi où
"le canon de Paris" (et non la "grosse Bertha") annonce
le commencement de la plus grande bataille de tous les temps. Le "Pariser kanonen" n’est pas la très connue "grosse
Bertha", qui avait une portée bien moindre : 12 à 16 km suivant les
modèles et la taille des projectiles. Le "Pariser kanonen" ou "canon de Paris", est un ensemble
de trois canons, dont un sera installé dans le bois de Bruyère, aux environs
de Fère-en-Tardenois. Avec sa portée de 120 kilomètres, il n’a, lui, aucune difficulté à atteindre
Paris. Il ne tirera heureusement que 15 obus dans les trois jours puis sera
déplacé. L'ensemble des "Pariser kanonen" a eu malheureusement une
activité plus importante : 367 tirs sur toute sa période d'action (Début : 23
mars 1918 - Fin : 9 août 1918). Ils firent 256 tués et
620 blessés. Quelques précisions supplémentaires sur ce site
(Attention toutefois, à vérifier et à recouper avec d’autres sources
d’informations, notamment pour les documents photo). Le
déluge de feu sur la Marne dure quatre heures. Très rapidement, toutes les
communications avec les avant-postes sont coupées. Aussitôt,
l’infanterie ennemie débouche sur nos positions. À
l’est de Reims, le Général Gouraud
résiste avec la 4ème armée, appliquant strictement les directives
Pétain : effectuer un repli stratégique des troupes de première ligne et
laisser des îlots de résistance qui contrarient la progression allemande
tandis que les troupes de seconde ligne brisent l’assaut. Dans
ces quelques premières heures, les pertes sont énormes de part et
d’autres : des chiffres font état de 5000 blessés ou tués du côté allié
(c’est assurément beaucoup plus sur l’ensemble du front), on parle de 40.000
dans l’autre camp. Cette défense en profondeur est implacable, et la bande de
terre abandonnée tactiquement est reprise dès le lendemain. Le
Kaiser Guillaume II, venu en personne aux monts de Champagne assister à la
victoire finale, ne peut que constater l’échec. Par
contre, les allemands passent la Marne autour de Dormans et enfoncent
également nos lignes au sud-est de Reims, débordant notre 5ème
armée. Sous la poussée des Ière et VIIème armées impériales, le front recule
rapidement vers Épernay. Un
court débat s'instaure entre le Général Pétain (partisan d’assurer encore la
partie défensive) et le Général Foch (partisan de l'offensive). Pétain
suspend les préparatifs de l'offensive mais Foch, sans prévenir Pétain,
désapprouve cette décision et lance l'offensive.
18 juillet : Le retournement Le
18 juillet, bénéficiant d'un orage nocturne, toute l'artillerie, lourde et
légère, est menée en première position. Pétain
se prépare à rendre la monnaie de sa pièce à Ludendorff en alignant, sur un
front de 100 kilomètres, des forces impressionnantes. ·
À 4h30, sans
aucune préparation d'artillerie, l'offensive
est lancée par la 10ème armée du Général Mangin. Celui-ci
concentre ses moyens dans la forêt de Villers-Cotterêts : 2000 canons,
350 chars et 500 avions appuient l’avancée des milliers de soldats qui
avancent comme un seul homme. L’objectif
est de reprendre la voie ferrée de Fère-en-Tardenois, car c’est elle qui
permet le ravitaillement de l’ensemble des forces ennemies qui participent à
la Friedensturm. Ses
18 divisions (une écossaise, deux américaines, quinze françaises) crèvent le
flanc des VIIème et IXème armées allemandes. Les chars
légers Renault FT remportent leur première grande victoire à
Villers-Cotterêts, ce jour-là. La surprise joue à plein, leurs unités de
défense sont mises à mal et elles doivent se replier. Rapidement, les troupes
françaises dépassent la deuxième position des Allemands en faisant 10 000
prisonniers. Le front allemand, le soir même, est enfoncé de 10 kilomètres
dans le Soissonnais. ·
Au même moment,
plus au Sud, le général Degoutte lance
la 6ème armée avec ses 9 divisions (six françaises et trois
américaines) et 150 chars vers la rive sud de l'Ourcq et avance de 5
kilomètres. Rien
que pour le côté ‘offensive’, ce sont près de 400.000 hommes qui avancent sur
l’ennemi ! Plus à l’est, les 5ème et 4ème armées maintiennent la
pression défensive sans participer au mouvement stratégique. Il
n’y a que sur la Marne que les allemands continuent à disputer la maîtrise du
territoire. Pour très peu de temps,
car la 9ème armée du Général de Mitry, fraîchement constituée, va
faire pencher la balance dans la nuit du 19 au 20 juillet. Craignant
l’encerclement, l’ennemi commence son repli vers le nord. Fin juillet : La victoire finale est en marche Le
21, Clemenceau arrive à Château-Thierry, repris la veille par Degoutte, pour
féliciter les combattants. Après quelques jours, les derniers verrous sautent
sur Soissons, l'offensive Mangin-Degoutte se solde par une grande victoire
des troupes alliées. Du
côté allié, plus d’un million d’hommes
de tous horizons auront participé à l’offensive de cette seconde
victoire de la Marne : la France et ses troupes coloniales, puis Angleterre,
Belgique, États-Unis, Italie, Roumanie, Serbie, sans oublier certaines
troupes isolées. 200.000
d’entre eux sont hors de combat (tués, blessés, disparus) dont 50.000
américains, mais cette victoire est sans conteste le point de départ de la
victoire finale. Remarque : ce chiffre global est un ordre de grandeur. Une seule estimation chiffrée nous est disponible actuellement (Jean-Paul STRIL, octobre 2006). Elle ne concerne que les 5e, 6e, 9e et 10e armées françaises (voir carte un peu plus haut dans cet article), du 15 juillet au 5 août 1918.
On
peut parler de victoire stratégique, bien sûr, mais elle est aussi et surtout
morale. L’Allemagne est défaite, au point que Ludendorff dira que « le 8
août est une journée de deuil pour toute l’Allemagne ». L’espoir est
maintenant du côté des alliés, et désormais, le recul des allemands sera
ininterrompu jusqu’au 11 novembre. |
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