Page créée le
12 janvier 2015,
Dernière mise
à jour le 27 février 2015.
TABLEAU d’HONNEUR
Antoine SARAZIN,
volontaire de la 2e D.B. Antoine SARAZIN
nous a quittés le 5 janvier 2015. Dans Dormans, sa commune d'adoption depuis longtemps,
il était connu comme un ancien commerçant. Mais peu de gens connaissaient son
parcours lors de la deuxième guerre mondiale. Voici donc retracé ici en
quelques lignes ce "long chemin". Un
grand merci aux participants du forum 2e DB qui nous ont aidés à compléter
cette page. |
Sauf précision, les photos proviennent d'Antoine SARAZIN
lui-même
LECLERC et la 2e
DB |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
En 1941, la deuxième Division Blindée, la 2e DB, n'existe pas
encore. On parle juste à cette période de "la
colonne LECLERC", qui se fait connaitre le 1er mars 1941, par
la prise
de l'oasis de Koufra. À sa tête, se trouve le Colonel Philippe de
HAUTECLOCQUE dit LECLERC (son nom de guerre), lequel prononcera le lendemain,
2 mars 1941, le serment de Koufra. Renommée 2e DB en août 1943,
l'unité quitte l'Afrique par bateau en avril 1944 et arrive en Grande-Bretagne
quelques jours plus tard. L'unité est composée de 14.000 hommes. Ils
sont prêts à apporter leur vaillance pour ce débarquement dont on parle de
plus en plus. (À l'été, ils seront 16.000, équipés de
4200 véhicules). |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
L'improbable
périple d'Antoine |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Juin 1944, c'est enfin le débarquement. Ce mois-là, Antoine SARAZIN fête ses 20 ans
à Mont-Saint-Père, dans l'Aisne, entre Dormans et Château-Thierry. Pour lui qui ne supportait pas le joug allemand,
ce débarquement est une chance. Il décide de partir en direction de la
Normandie. À vélo !! Et comme il sait qu'il va croiser des
troupes allemandes, il arrime une binette à betterave à son véhicule de
fortune, pour faire croire qu'il est en route pour les champs. Est-ce de
l'insouciance ? En tout cas, ça marche ! En quelques jours, il traverse les
lignes ennemies et parvient dans le département du Calvados. Il réussit même
à traverser les quatre premières plages de débarquement puisqu'il se retrouve
à Grandcamp-les-Bains (aujourd'hui Grandcamp-Maizy), à proximité immédiate de
Utah Beach, la seule plage de débarquement située dans le département de la
Manche. Les premiers éléments militaires qu'il
rencontre sont ceux d'une division américaine. Il ne parle bien sûr pas un
mot de la langue et en premier, il apporte son aide comme manutentionnaire.
Antoine espère-t-il intégrer les rangs d'une division française ? Il n'en
sait peut-être rien lui-même. Puis il rencontre inopinément un interprète
qui lui permet d'entrer en contact avec des militaires français qui viennent
de débarquer à Utah Beach, un peu plus à l'ouest. On est le 1er
août, c'est la 2e D.B. qui met à son tour pied sur le sol
français, aussitôt rattachée à la IIIe armée américaine du général Patton. Les formalités ne sont pas de rigueur, à
cette période et voilà Antoine au sein du 501e régiment de chars
de combat (501e RCC) lorsque la colonne s'ébranle, cap au sud. Il
n'y a aucun document, ce n'est qu'avant d'arriver sur Paris que son
enrôlement sera officiel. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
L'avancée |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Premiers combats dans la Sarthe et l'Orne
(Alençon est libérée le 12 août, Carrouges et Écouché le 13), où la division
fait l'étonnement des américains par une tactique offensive permanente. Puis l'unité
doit faire halte jusqu'au 18 août 1944 pour conserver le terrain conquis. Nous voici le 20 août, la division est à
nouveau prête à avancer. C'est alors que Leclerc attend, voire
réclame, l'autorisation que ce soit une colonne française qui entre dans
Paris. Trois groupements
tactiques (GT--) sont prêts :
Légende : RMSM
: 1er Régiment de Marche de Spahis Marocains (4e, 2e
et 3e escadrons) RBFM
: Régiment Blindé de Fusiliers Marins (3e, 4e et 2e
escadrons) RCA
: Régiment de Chasseurs d'Afrique RMT
: Régiment de Marche du Tchad (1er, 2e et 3e
bataillons) BG : Bataillon du génie À noter qu'un groupement
supplémentaire provisoire sera constitué, le "Groupement Tactique
Rémy" (G.T.R), dont la composition a évolué, avec - Escadron hors rang
et 1er, 5e, 6e, 7e et 8e
escadrons du RMSM - 1er escadron
du RBFM - 1e batterie
du XI/64
RADB - 1e compagnie du RMT Antoine sera du mouvement, bien sûr. Arrivé
à Rambouillet, il est intégré officiellement dans la 2e DB, comme
engagé volontaire, au sein de la 1e compagnie du 501e RCC.
Le 22 août en fin de journée, Leclerc
obtient l'autorisation de reprendre Paris. Il lance aussitôt ses colonnes en
direction de la capitale. Antoine passera par Longjumeau, la Croix-de-Berny,
et la porte de Gentilly. Cliquez pour agrandir |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Paris brûle-t-il ? |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La 2e DB approche de Paris, mais
depuis quelques jours, Hitler a donné l'ordre de raser la ville avant de
quitter les lieux. Mais Paris ne brûlera pas comme l'a demandé
Hitler ! Et c'est en partie grâce au 501e RCC. Sous les ordres du capitaine Raymond DRONNE,
trois chars de ce régiment pénètrent dans la ville le 24 août en appui du
régiment de marche du Tchad (la nueve, la 9e compagnie du 3e
bataillon). Le lendemain, ils atteignent l'hôtel Meurice, rue de Rivoli, où
sera signée la reddition. Voici le détail de ces deux journées (source : http://stephane.delogu.pagesperso-orange.fr/2db-journal.html 24 août :
Le groupement de LANGLADE s'engage dans la direction de Chateaufort-Chevreuse.
De nombreux accrochages surviennent à Villacoublay et Jouy-en-Josas. À 20
heures, le groupement de LANGLADE tient le carrefour du Petit Clamart, le
pont de Sèvres avec une tête de pont à Boulogne. Le groupement WARABIOT a
difficilement progressé le long de la nationale 20 en étant accroché à
Savigny, Wissous et devant la prison de Fresnes. A la tombée de la nuit, il a
fini par atteindre la Croix de Berny. 25 août :
La division entre enfin dans Paris. Le Groupement WARABIOT débouche vers
Notre Dame par la porte de Gentilly, le groupement DIO en direction de la
Seine par les boulevards des Maréchaux et les quais rive gauche, et par
l'Avenue du Maine et Montparnasse. Le groupement de LANGLADE se dirige vers
la place de l'Etoile par Boulogne, la Porte de Saint Cloud et l'Avenue
Mozart. A quinze heures, un élément du groupement WARABIOT parvient jusqu'à
l'Hôtel Meurice, PC du général VON CHOLTITZ. Le gouverneur du Gross Paris
signe l'acte de capitulation. Les combats pour la libération de Paris sont
terminés. ~ o O o
~ |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La poursuite |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La 2e DB reste à Paris jusqu'au
début septembre pour consolider la libération de Paris puis la poursuite de
l'ennemi reprend. Désormais, Antoine est à bord du char
Sherman "Ankenès", avec
"Gaby" ROBIN comme pilote. Antoine est "6e homme
d'équipage" et il prend un poste en tourelle (tireur ou radio-chargeur). Ankenès : C'est le nom d'une petite ville
de Norvège, très proche de Narvik. Au printemps 1940 eu lieu la bataille
de Narvik, à laquelle participaient des éléments précurseurs du 501e. Sur la photo ci-contre, l'Ankenès est probablement photographié au bois de Boulogne, à Paris. Antoine SARAZIN n'est donc pas
encore à son bord. source photo : http://www.chars-francais.net On passe par Andelot (52), libéré le 12
septembre, Dompaire (88) le 13, Châtel-sur-Moselle
(88) le 16//9. C'est là que le char d'Antoine est
endommagé le 25 septembre par des mines. L'équipage est légèrement
commotionné et les réparations immobiliseront le char plusieurs jours. Source
: Pierre CROSNIER, ancien de la section GALLET. Et la route vers l'est
continue : Anglemont (88) le 2 octobre, Baccarat (54) le 31 octobre, Badonviller
(88) le 17 novembre. Ils sont à Strasbourg, le 23, où Leclerc honore le
serment de Koufra. Puis c'est Erstein le 30 /11, Herbsheim
(67, entre Colmar et Illkirch, nord de la poche de Colmar)
libéré le 2/12 où il est dit (forum 2eDB) qu'Antoine se
fait remarquer lors des combats. Le 18 décembre, il est à trois kms plus au sud, à Witternheim (67). Antoine
racontait cette anecdote que l'on retrouve dans le livre "le chemin le
plus long" : La neige est tombée
en abondance ; il devient presque impossible aux véhicules, chenillés ou non,
de s'écarter de la route sans s'enfoncer dans les congères. Le terrain n'a
été qu'un peu déminé [...]. Une fois le village occupé et quelques positions
de tir un peu aménagées et renforcées, il faut subir les "trains
bleus" et les mortiers. Les Allemands sont en position dans le bois en
face, à 800m et règlent le tir presque à vue. [...]. L'ANKENES est en
position à 50m de l'église de Wittenheim dans un pré. A 800m en face, il y a
le Bois-des-Boches d'où on ne les perd pas de vue, sauf la nuit et encore...
Rythme soutenu des tours de garde : 2 heures de jour et 2 heures de nuit.
pour chambre à coucher, l'équipage a le choix entre la tourelle du char et la
cave du presbytère avec KRÉMENTCHOUSKY et son poste de secours pour voisin
[...]. le voisinage du poste de secours n'est pas fameux pour le moral. Ils
ont réussi à installer le courant électrique dans la cave du presbytère en
branchant une ligne sur la batterie de l'ANKENES pour s'éclairer un
peu et passer les disques sur le phonographe de SARAZIN
[...]. Périodiquement,
les chars bougent et partent en patrouille avec une section du RMT. Ce
jour-là, le BIR-HAKEIM et l'ANKENES partent ensemble, avec 20 fantassins
de l'adjudant DESTREZ, ils vont patrouiller en direction du Bois-des-Boches
[...]. Le soir, SARAZIN
s'installe dans la tourelle de l'ANKENES pour bouquiner. ABRAHAM passe
et l'invite à prendre un verre "chez lui". Ils vont ensemble et,
arrivant près de l'église, ils entendent le bruit caractéristique de départs
de mortiers. ABRAHAM se jette à plat sur le sol, SARAZIN
presque aussi rapidement ; la rafale d'obus tombe derrière eux. Image stupéfiante
lorsqu'ils se retournent : l'ANKENES est en feu ! Les autres sont dans
la cave, ils les appellent. PICOUZA tire les extincteurs : c'est trop tard.
Un obus est tombé dans la tourelle dont le volet était resté ouvert. La
probabilité était infime, mais c'est fait ! Exactement dans la tourelle ! À deux minutes
près, Antoine était dedans sans aucune chance d'en réchapper ! Son char hors de combat, Antoine passe
comme radio-chargeur sur le char Sherman "Koufra". Source photo : http://www.chars-francais.net |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La poche de Colmar |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Une bataille terrible se déroule dans
"la
poche de Colmar" du 20 janvier
au 9 février 1945. La 2e DB était sur le nord de la
poche et Antoine parlait parfois de Grussenheim
(libéré le 28 janvier) comme d'un combat très marquant. Même s'il ne le
disait pas, il pensait fortement aux amis qui étaient restés là-bas. Sur
cette seule période, les français auront 2100 tués (dont 133 pour la 2e
DB) et 540 pour les américains. ~ o O o
~ |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
La fin de la guerre
et l'après-guerre |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Cliquez sur les photos pour les agrandir Fin février, la division
est en repos dans l'Indre et l'Indre-et-Loire. Pas pour longtemps car elle
sera envoyée début avril (hormis l'infanterie) réduire la poche de Royan. Les allemands qui résistaient là
depuis septembre 1944 sont forcés à se rendre après une offensive
destructrice de trois jours (15 au 17 avril). Puis la division se
regroupe dès la fin du mois pour revenir très rapidement en Allemagne et
finir la campagne.
À noter qu'il ne s'agit pas du nid
d'aigle, le Kehlsteinhaus, situé à 2 km au sud, où quelques hommes de la 2e
DB monteront toutefois, pour y faire flotter le drapeau français. Hitler est mort
depuis quelques jours, la dernière poche de résistance vient d'être détruite.
Il reste à signer l'armistice mais la guerre est terminée ! Parmi les hommes
debout à l'avant du char, Antoine est
le quatrième en partant de la gauche ~ o O o
~ Jusqu'en 1946,
Antoine est instructeur, pour ceux qui bientôt vont partir en Indochine puis
il rentre, la même année, à Mont-Saint-Père. Dans ces périodes âpres, on posait devant
l'objectif sans vraiment penser à la postérité (ici, un briefing de
reconstitution des équipages du 501e RCC après les pertes subies
au cours d'un récent combat). Des amitiés se lient, certaines dureront
longtemps. On reconnait au deuxième plan, visage légèrement caché, le
Lieutenant Robert GALLET, qui sera ministre de 1968 à 1981 sans interruption
et au fond à gauche (indiqué par sa fille sous la flèche), le visage en
partie caché du soldat Antoine SARAZIN. Les deux hommes resteront intimement amis
jusqu'au dernier jour. Après guerre, le Lieutenant GALLET, et le
capitaine Georges BUIS, (commandant la 1e compagnie du 501 et
futur général) seront faits Compagnons de la libération. Voir
ici la liste des anciens du 501e devenus Compagnons de la
libération. |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Aujourd'hui |
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Enfin, Antoine SARAZIN était également président
de notre association du Mémorial des batailles de la Marne. Il était de toutes les manifestations et
cérémonies, comme sur cette photo, prise en avril 2011 lors du dépôt de gerbe
au monument aux Morts, en souvenir des déportés. Pour toutes ces raisons, il restera extrêmement
présent dans nos pensées. Nous avons une pensée également pour ces anciens
du 501e RCC disparus récemment : Louis TREGUER (27/09/2014) Marcel CHRISTEN /
KRISTEN (02/12/2014) Roland HOERDT
(18/12/2014) À
lire : Photo M. RICHON ·
Forum 2e DB. ·
Plus de précisions sur la 2e
D.B., ici. ·
La libération de Grussenheim
: http://www.gastoneve.org.uk/grussenheim%20fr.html ·
Le chemin le plus long, P. Quillet, 1997, livre auquel
Antoine SARAZIN a apporté discrètement sa contribution ·
Le parcours du 501e : http://cavaliers.blindes.free.fr/rgtactive/501rcch3.html Compléments : ·
Le
chant des partisans fut l'hymne de la résistance à la fin de la 2e guerre
mondiale. La version originale, paroles et musique, fut composée en 1941 par
Anna MARLY (à écouter ici). Version française composée en 1943 par
Joseph Kessel et Maurice Druon ·
La marche de la 2e DB, entendue dans
l'église à la fin des obsèques d'Antoine SARAZIN, a été composée en 1944.
Selon les sources, son auteur est Maurice Le Roux ou Victor Clowez,
paroles d'André Ledur |
Retour à :