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créée le 19 février 2012
TABLEAU d’HONNEUR
Merci à Claude DEMARQUE, un de nos lecteurs
de Dormans, de nous avoir transmis
les documents que détenaient ses cousins
Bernadette et Lionel Van ASSCHE.
Hilaire Van
ASSCHE
caporal au 100e R.I..
Hilaire a 20 ans. En 1940, ils
furent environ 100.000 à voir leur destin s'arrêter net. Voici en
quelques lignes le récit d'une courte vie, simplement pour rendre
hommage à un de ces nombreux anonymes. Et ne jamais
oublier. Ces
événements sont tirés d'un document manuscrit
réalisé par le beau-frère d'Hilaire. Le connaissant
bien, il a pu rendre compte avec précisions des détails de sa
vie autant que des sentiments qui l'animaient. Cliquez
sur l'image pour une vue agrandie |
Avant
le conflit
Hilaire Van
ASSCHE nait à Mouvaux, tout près de Tourcoing (59) le 14
janvier 1912. Ses parents y exploitent une ferme laiterie jusqu'en 1924, date
à laquelle la famille reprend une ferme à Orchies (59), dans
l'actuelle rue de la libération. Mais
l'année suivante, le père décède soudainement.
Hilaire, en ainé d'une fratrie de trois enfants, n'a d'autre choix, il
prend résolument la tête de l'exploitation de huit hectares. Il
vient d'avoir 13 ans. Heureusement,
il bénéficie du soutien la première année d'un
cousin et d'un ouvrier, Jules ROMSE, qui restera fidèle à la
famille de longues années. Hilaire, qu'on appelle le "grand
gamin" fait montre d'une fermeté et d'un courage que louent les exploitants
alentours, et ils ne tarderont pas à lui confier d'autres surfaces. Il
aime ces terres qu'il dit lui-même "les plus belles de la
région". Rapidement connu pour ses récoltes de
qualité, il se fait un point d'honneur à être le premier
à rentrer ses moissons en fin de saison. Sa vie semble tracée. À
l'âge d'être incorporé pour le service militaire, il sait
que la situation va être difficile pour sa famille. Et que ses terres
vont lui manquer. Mais il sait qu'il doit en être ainsi, et la
fierté de servir sa patrie rend moins pénible son incorporation
en 1932. Il sera affecté au 146e régiment
d'infanterie (R.I.) à Toul (54). Puis la
parenthèse militaire semble terminée pour de bon, il revient
à la ferme. |
Une
volonté farouche de servir sa patrie
Il est
cantonné aux environs d'Orchies, en tant que conducteur du caisson de
cuisine, au sein du 100e R.I., cette fois. La situation est somme
toute convenable mais Hilaire ne se satisfait pas de cette "besogne si
peu militaire". Lorsqu'un an
plus tard, l'ordre mobilisation générale arrive, il est
décidé, il veut servir sa patrie de façon plus
effective. Cliquez sur
l'image pour une vue agrandie 1939,
débute la "drôle de guerre". À
Pont-de-Marcq (*), Hilaire ne veut pas rester comme un embusqué. Il
s'initie au maniement du fusil-mitrailleur. Un choix réfléchi,
motivé par les récits de ses ainés revenus du conflit
précédent. Il est plus que jamais décidé à
combattre. Il y met tant
de volonté que son capitaine ne peut qu'accéder à sa
demande : il est affecté à la 10e compagnie de
fusiliers-mitrailleurs. Il saura
montrer par la suite combien il était digne de cet honneur qu'il avait
demandé. Si le devoir
patriotique est fortement ancré dans l'esprit des jeunes de cette
époque, Hilaire est de ceux qui ont une très haute conception
de ce sentiment, n'hésitant pas à dire avec conviction
"qu'il faut savoir mourir pour son pays". Un tel sentiment,
poussant si haut les vertus patriotiques, attire à la fois railleries
et admiration de la part de ses camarades au sein de son régiment. Hilaire en
parle avec sérénité, comme s'il se sentait
profondément lié à ce devoir. Le 1e
décembre 1939, le 100e R.I. fait mouvement vers l'est,
envoyé à la rencontre de l'ennemi dans le grand Duché de
Luxembourg. De janvier à avril, il tient la ligne Maginot, à
l'est de Longuyon. C'est alors
que se produit l'invasion ennemie en mai 1940. Les combats sont sporadiques,
parfois meurtriers, mais le régiment tient. Le 13 mai, il
est encore à Longwy, le 14, sur
Longuyon, Fermont, Chenières (ligne Maginot). Le 16 mai, au
bois 339.4 Le 4 juin,
à Cutry, la 2e compagnie perd 24 hommes (voir ici) Puis le
régiment ne peut que reculer face aux chars, aux avions et aux bombes
de l'offensive- éclair. Il se replie plus au sud, dans la
région de Toul. (*) : aujourd'hui,
un quartier de Marcq-en-Barœul. |
Le
combat ultime
On est
bientôt mi-juin. De toutes parts, les nouvelles sont mauvaises, mais
dans les rangs français, on espère encore contenir
militairement le boche, coûte que coûte. Arrivée à Toul,
l'escouade d'Hilaire a pour mission de tenir un pont sur la Moselle,
près du barrage de Valcourt.
Attention,
l'affichage Google est un peu long à venir. Cliquer sur
l'image pour l'agrandir Les combats
sont rudes, mais on tient ! Jusqu'au 19
juin. Ce
jour-là, Hilaire se retrouve soudain seul, dans une dépendance
de la maison du barragiste. Ses compagnons d'arme l'ont-ils abandonné,
perdu de vue ? Qu'à cela ne tienne, de là où il est, il
a l'ennemi en point de mire. Armé de son fusil-mitrailleur, face au
pont, il tire alors sur tout assaillant qui passe à sa portée.
Isolé dans ce baraquement, il soutient cette défense plusieurs
heures, interdisant toute approche du barrage. L'ennemi finit
par repérer celui qui décime ses rangs depuis trop longtemps et
apporte bientôt une pièce d'artillerie qu'il pointe dans sa
direction. Plusieurs
coups tombent autour de lui mais Hilaire continue, un repli serait pour lui
synonyme de désertion. C'est en brave
qu'il tombe, le fusil à la main, fauché par un dernier
projectile. On retrouvera sur place des centaines de douilles. L'ennemi peut
alors continuer son chemin. Mais auparavant, en respect pour la bravoure de
ce soldat, les honneurs lui sont rendus. Il est inhumé sur place, dans
le jardin du barragiste. C'en est fini
pour Hilaire, c'en est fini aussi pour le régiment. Le 22 juin, le 100e R.I.
est dissous. Le lendemain, à Chaudeney, il défile une
dernière fois devant son chef d'État-major et devant les
autorités militaires allemandes (lire ici), puis les prisonniers partent pour un long
périple jusqu'au stalag IX-A de Ziegenhain, près de Kassel et
de Wiesbaden (Allemagne). |
Conserver
la mémoire
Au cours des
mois qui suivent, la situation en France est confuse et il ne doit pas
être aisé de savoir
ce qu'est devenu un proche, même si chacun pense au pire. La mort
d'Hilaire ne sera une certitude que plusieurs semaines plus tard. ~ Cliquez sur les images pour une vue
agrandie ~
À noter que contrairement aux autres documents,
"Mémoire des Hommes" indique un décès au 20
juin (voir ici). Les
années passent, Hilaire n'est pas oublié. À la
fin de la guerre, son corps sera ramené de Toul et il se trouve
maintenant dans le caveau familial à Orchies où reposent
ses parents et leur fidèle serviteur Jules ROMSE, celui-là
même qui avait aidé le "gamin" à devenir un gars
courageux. Outre les
traditionnels avis de messe ou de
prières (ci-contre), un hommage lui est rendu après guerre par
son beau-frère (Germain SERRUYS) au long d'un manuscrit plein de
souvenirs personnels. C'est celui-ci
qui a constitué la trame de ce récit. En voici les
dernières lignes. "Pauvre mais
brave garçon, qui avait un si bel avenir devant lui. Dieu ne l'a pas
voulu ainsi. Que son exemple reste gravé dans notre esprit. Sa famille
et ses nombreux amis ne l'oublieront jamais et seront toujours fiers de
lui". _ o O o _ À lire,
pour plus de détails sur les combats de ce régiment : ·
"100e R.I.,
le régiment de Roubaix-Tourcoing " (Marcel Malfait, 1998). ·
"Les combattants du
18 juin, tome 1" (Roger Bruge, 1982). |
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